money power glory (gia).

- gia, douglas -
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Pleine après-midi, quinze heures, rendez-vous au tribunal. Le dossier en main, il potasse, attend son frère. Peu ponctuel, il le soupçonne de se pointer en retard, comme toujours. Le portable sonne, une fois, deux fois. Pas le temps de décrocher, la sonnerie s'arrête brusquement. Sur l'écran s'affiche un numéro inconnu, masqué, sans doute celui de son frère, trop fainéant pour modifier ses paramètres d'appel. Inutile de le rappeler, il cherche certainement à l'avertir de son contretemps. L'avocat commence à faire les cents pas, s'étire dans un bâillement peu discret. Puis il l'aperçoit, elle, la recrue du cabinet, brunette ambitieuse, Gia. Ses sourcils se froncent, indiquent son questionnement, il s'interroge sur sa présence. Située à l'autre bout du couloir, elle vient à sa rencontre, démarche assurée, elle se place face à lui. Peut-être s'apprête-t-elle à le saluer, à user de quelques politesses du genre, comme une poignée de main ou une autre marque de respect. Or il ne partage pas cette bonhomie, s'échappe de toute obligeance à son égard et entame directement le dialogue. « Personnellement je n'ai pas besoin d'une stagiaire, tu peux prendre ta journée. » Pur sarcasme. Il enquille, continue sur sa lancée, adopte cette fâcheuse tendance à charrier. « Sinon, il y a toujours des dossiers à classer au cabinet. » Sourire faiblement prononcé, il donne cette impression de ne pas l'estimer à sa juste valeur. Il la place au rang de simple pot de fleurs, inutile mais demeurant agréable à l'œil. Elle a du potentiel, pourtant. Le talent à l'appui, l'expérience en moins, la réputation à bâtir. Il se tient bien de reconnaître ses qualités et s'en moque considérablement. Se braque sur son inexpérience, qu'il traduit par de l'incompétence. Il se leurre à son sujet, manquant fortement d'être surpris. Il se faufile jusqu'à la machine à café. Celui-ci y est atroce, son arôme s'apparente plus à un jus de chaussette. Il abandonne son dossier sur un banc, se libère de ce poids, de cette paperasse. « Sérieusement, je peux savoir ce que tu fais ici ? Outre le fait que tu sois complètement perdue. » Il inspecte ses poches, recherche une pièce, l'utilise et se sert. « Café ? » Proposition aux portes de l'altruisme, un soupçon de complaisance.

Arrivée en avance, nerveuse, tu te repoudres le nez, vérifie ton rouge à lèvres et inspire face au miroir. Ta première grosse affaire. Tu sens un bouillon d'émotions en toi, l'excitation, l'angoisse, la détermination. La gorge nouée et les mains moites, tu révises ta stratégie pour l'audience, le juge, les jurés. La peur te fait perdre le fil, tu cherches tes mots, esquisses cent pas dans les toilettes du tribunal. Tu ne dois pas fléchir. Pas maintenant. Pas avec les regards qui se braqueront sur toi. Tu reprends des couleurs, en appelles à ta raison et, tâtonnant au fond de ton sac à main, en sors ton téléphone portable. Deux appels manqués, de son numéro. Aucun message, ni textuel ni vocal, de ton client. Lui, tu l'ignores. Pas question qu'il t'ôte toute crédibilité. Il doit mûrir tes propos de votre dernière entrevue, comprendre que quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, tu ne reviendras pas en arrière, retomberas dans ses bras. Tu éteins l'appareil et le ranges dans la poche intérieure de ton sac, réajustes ta robe bustier, t'octroies une minute supplémentaire et, alors que la porte s'ouvre sur une femme, tu la contournes, rejoignant le couloir. Tu donnes l'impression de redécouvrir l'endroit, les portes des salles, le public qui s'installe dans l'une, la séance levée dans l'autre. En un court instant, l'image de ton père traverse ton esprit embrumé, et les doutes se dissipent, tu te redresses, marches avec assurance. Tu aperçois ton collègue, certain encore de se battre contre un concurrent, contre l'ennemi - un Marshall ou Howern. Tu récites mentalement ton discours avant de te poster devant lui. Un bref sourire étire tes lèvres, une marque de compassion. Tu le fixes un instant, hésitante. Et s'il savait déjà. Non, impossible. Il ne sait pas. Pourtant, il semble contrarié - sentiment que tu mets naïvement sur le compte d'un mauvais jour. Il pique ton ego, sans politesse, sans courtoisie. Tu ne le laisses pas t'atteindre, pourtant. Ta journée rayonne, et tu obtiendras gain de cause, quoi qu'il t'en coûte. Si la gêne est passée dans tes yeux, le jour où le dossier a été volé à l'adversaire, la culpabilité s'efface pour la reconnaissance. Ta hiérarchie t'accorde une chance de prouver ton mérite, de rivaliser avec la réputation du patriarche, du doyen Little. « Mon assistante en a trié la moitié, par couleurs et par ordre alphabétique, en glissant des notes efficaces. Elle se charge actuellement de l'autre pile. » Malgré le ton calme de ta voix, tu ne plies pas face à son sarcasme, refuses de lui accorder le dernier mot, de se soumettre à ses jugements de valeur. Tu t'amuses à retarder l'annonce officielle de la prise en charge du dossier, le berces d'illusions en évitant soigneusement la question. « Je l'espère, du moins. J'en ai renvoyé un pas plus tard que la semaine dernière, pour incompétence. Ils lorgnent sur notre place, mais ne font pas le dixième de ce qu'exige la leur. Désespérant. » Tu ne t'épanches pas sur tes hautes exigences, ne relèves pas même le peu de différence d'âge existant entre tes stagiaires et toi, te contentes de remarquer ta réussite et ton devoir d'apprentissage envers eux. Ils ne te servent véritablement que d'informateurs, se montrant plus intéressés par les ragots que la paperasse. Si, un temps, tu blâmais leur curiosité, tu la tournes désormais à ton avantage, apprenant des avocats et de leurs méthodes. Tu n'espérais pas moins que de pouvoir, un jour, défier Douglas Cantwell, défenseur des indéfendables, coupables. Ta conscience, qui crie à la justice, n'en attendait pas davantage. Tu tires toujours de tes victoires une fierté amère, le dossier s'avérant souvent simple, sans accrocs. Mas gagner face à lui (rompre avec son éternelle satisfaction à l'instant où le marteau frappe le bois de chêne), marquerait le véritable commencement de ta carrière d'avocate. Tandis que tu le suis, sans ciller, à la machine à café, tu te promets intérieurement d'user de tous les moyens pour arriver à cette fin. Il coupe court à tes réflexions, tes pensées occupées à la compétition, lorsqu'il aborde lui-même le sujet tantôt repoussé. « La même chose que toi, je présume. J'attends mon client. » Tu lui offres un franc sourire, et, laissant retomber la rivalité, te permets un soupçon de plaisanterie. « En m'efforçant de rester en vie. » Tu désignes le distributeur, amusée et déclinant l'offre que tu reconnais volontiers généreuse, et sors de ton sac une bouteille d'eau minérale, à laquelle, le matin même, tu as ajouté une cuillère de sirop de grenadine. Boisson de l'enfance, qui éveille des souvenirs tendres, innocents.